Conférence Débat avec Etienne Davodeau : Bande dessinée et Sociologie
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Le 17 juin 2013false false
Aurélie Guibert, Juliette Mengneau nous présentent l'usage pédagogique de la BD en sociologie
- Bonjour, vous avez invité Etienne Davodeau, pouvez-vous nous dire qui était à l'origine du projet et nous présenter cet auteur ?
Dans le cadre du cours de Stratification et mobilité dispensé en Licence 1, Philippe Masson, mobilisait déjà depuis quelques années des bandes dessinées, dont celle "Les Mauvaises gens" d'Etienne Davodeau. Dispensant ce cours depuis cette année, lectrices de bandes dessinées de reportage et plus particulièrement de celles d'Etienne Davodeau, nous avons eu l'idée de monter un projet à l'attention des étudiants de licence 1 autour du thème « La bande dessinée et la sociologie ». Philippe Masson s'est alors joint à nous pour organiser une conférence avec la participation de cet auteur.
Etienne Davodeau est l'auteur de nombreuses bandes dessinées. Certaines sont des bandes dessinées de fiction ("Quelques jours avec un menteur", "Chute de vélo", "Ceux qui t'aiment"...) alors que d'autres pourraient plutôt être qualifiées de bandes dessinées de reportage ("Rural", "Les mauvaises gens", "Un homme est mort", "Les ignorants"...). Toutefois, toutes évoquent des sujets de société et des parcours de vie puisés dans le réel.
Aussi, la mobilisation de ses BD est pertinente par exemple pour le cours de stratification et mobilité sociale mais aussi dans le cadre des cours de sociologie de l'éducation, sociologie des institutions, sociologie des cultures ou encore pour évoquer la question des méthodes (observation, entretien, archives...).
- Selon-vous, quel est l'intérêt pour la sociologie et nos étudiants de dialoguer avec un auteur de BD ?
Les sociologues ne sont pas les seuls à décrire le monde social. Des romanciers, des cinéastes, des journalistes, ou encore des auteurs de bande dessinée s'attèlent aussi à cette tâche.
D'une part, leurs travaux peuvent être des sources utiles aux sociologues, en particulier pour des sujets que nous n'étudions pas nous-mêmes et où les données peuvent être difficiles d'accès comme :
- le financement des activités politiques (la BD de Yann Lindingre et Laurent Astier à partir du récit de Denis Robert autour de l'affaire Clearstream),
- ou des régions en guerre (comme les BD respectives de Joe Sacco, d'Emmanuel Guibert),
- ou des pays où l'investigation sociologique est difficile (les BD de Guy Delisle, de Marjane. Satrapi, ou de Zeïna Abirached).
D'autre part, les méthodes que ces auteurs mobilisent pour réaliser leurs bandes dessinées peuvent faire écho sur de nombreux aspects à celles que nous utilisons en sociologie (notamment l'entretien, la méthode ethnographique...).
Pour les étudiants, la mobilisation des bandes dessinées d'Etienne Davodeau présente plusieurs intérêts. Si nous prenons le cas des Mauvaises gens, les parcours biographiques des personnages principaux permettent de comprendre un type de trajectoires et l'influence sur celles-ci de leurs environnements.
Dans le cadre du cours de Sociologie de l'éducation par exemple, nous demandons aux étudiants de faire des biographies scolaires et de montrer qu'il y a des parcours individuels, certes, parce qu'il y a des caractéristiques personnelles mais que ces parcours révèlent également des trajectoires communes propres à des contextes historiques, locaux, politiques, et déterminées par des variables collectives (sexe, génération...), des appartenances de groupe ou encore des enjeux institutionnels. Du point de vue de la méthode, cette bande dessinée donne entre autres aux étudiants des pistes pour mener un entretien et l'analyser. Dans le cadre du cours de Stratification et de mobilité sociale, elle met en scène l'intériorisation des rapports de domination, la stratification locale et la mobilité sociale à travers le syndicalisme notamment.
Plus largement, pour parler de sociologie aux étudiants de première année, pour Philippe Masson la BD est un des moyens pédagogiques qu'il utilise, parmi d'autres, en remplacement des textes de sociologie. Mais, là, c'est un point qui fait débat entre nous car nous, nous combinons les deux supports pédagogiques.
Au-delà de nos propres enseignements, nous considérons tous les trois que la BD est un des supports pédagogiques qui favorise le dialogue avec d'autres disciplines. Ainsi, des personnes de droit, de lettres... ont assisté à la conférence.
- Pensez-vous renouveler l'expérience ?
Bien entendu, l'oeuvre d'Etienne Davodeau nous intéresse dans son ensemble. Nous aimerions d'ailleurs le solliciter à nouveau à propos de la bande dessinée en cours de réalisation dont le sujet fait directement écho à la question des rapports des différentes classes sociales à l'art. Sujet directement en lien avec le film d'Agnès Jaoui, Le goût des autres que nous mobilisons tous les trois déjà dans le cours de Stratification et mobilité sociale cette année.
L'adhésion qu'a suscitée cette première rencontre nous invite en effet à renouveler l'expérience en faisant venir d'autres auteurs que nous mobilisons d'ailleurs déjà dans nos cours. Nous pensons notamment à Guy Delisle qui, au travers de ces « Chroniques » et récits de voyage nous apportent une vision différente de la stratification sociale que celle que nous connaissons. Nous pensons à bien d'autres encore, cette histoire ne fait que commencer...
Etienne Davodeau
Comité organisateur
Mis à jour le 31 janvier 2017.